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LE RÉGIME MODERNE


côté, il faudrait qu’il prît trop de l’autre ; impossible de soulager ceux-ci sans accabler ceux-là, et c’est l’accablement, surtout en fait d’impôts, qui, en 1789, a soulevé la Jacquerie universelle, perverti la Révolution et démoli la France. — À présent, en fait d’impôts, la justice distributive pose une règle universelle et fixe : quelle que soit la propriété, grande ou petite, et quelle qu’en soit l’espèce ou la forme, terres, bâtiments, créances, argent comptant, gains, revenus ou salaires, c’est l’État qui, par ses lois, ses tribunaux, sa police, sa gendarmerie et son armée, la préserve de l’agression toujours prête au dehors et au dedans ; il en garantit, il en procure, il en assure la jouissance ; par conséquent, toute propriété doit à l’État sa prime d’assurance, tant de centimes par franc. Peu importe ici la qualité, la fortune, l’âge ou le sexe du propriétaire : chaque franc assuré, n’importe entre quelles mains, payera le même nombre de centimes, pas un de plus, pas un de moins. — Tel est le nouveau principe ; l’énoncer est facile ; il suffit, d’avoir combiné des idées spéculatives, et toute académie en est capable. L’Assemblée nationale de 1789 l’avait proclamé avec fanfare, mais en droit seulement et sans effet pratique. Napoléon le convertit en fait, et désormais la règle idéale s’applique, aussi exactement que le comporte la matière humaine, grâce à deux machines fiscales d’un type nouveau, supérieures dans leur genre, et qui, comparées à celles de l’ancien régime ou à celles de la Révolution, sont des chefs-d’œuvre.