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LE RÉGIME MODERNE


refuge ; si elles ne cherchent que cela, il ne faut pas les y troubler, et l’on peut feindre de les ignorer ; mais qu’elles se taisent et quelles se suffisent ! — Ainsi repoussent sur le tronc catholique ses deux branches maîtresses, le clergé régulier à côté du clergé séculier. Grâce à l’assistance, ou à l’autorisation, ou à la connivence de l’État, dans ses cadres ou hors de ses cadres, les deux clergés qui, en droit ou en fait, recouvrent l’existence civile, ont aussi, du moins à peu près[1], leur subsistance physique.

Rien de plus : personne ne s’entend mieux que Napoléon à faire de bons marchés, c’est-à-dire à donner peu pour recevoir beaucoup. Dans ce traité qu’il conclut avec l’Église, il serre les cordons de sa bourse, et surtout il évite de se dégarnir les mains, 650 000 francs pour les cinquante évêques et les dix archevêques, un peu plus de 4 millions pour les trois ou quatre mille curés de canton, en tout 5 millions par an, voilà ce que l’État promet au nouveau clergé ; plus tard[2], il se chargera de payer les desservants des succursales ; mais,

  1. Rœderer, III, 481 (Sénatorerie de Caen, 11 germinal an XIII). Plaintes perpétuelles des évêques et de la plupart des prêtres qu’il a rencontrés. « Un pauvre curé, un malheureux curé… L’évêque vous prie à dîner, il vous prépare à la mauvaise chère d’un malheureux évêque à 12 000 francs de traitement. » — Les palais épiscopaux sont magnifiques, mais l’ameublement est celui d’un curé de village : dans la plus belle pièce, à peine de quoi s’asseoir. — « Les desservants n’ont pu encore obtenir de traitement fixe dans aucune commune… Les paysans ont voulu avec ardeur leur messe et leur service du dimanche, comme par le passé ; mais payer est autre chose. »
  2. Décrets du 31 mai et du 26 décembre 1804, mettant à la charge du Trésor le traitement de 24 000, puis de 30 000 desservants.