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LE RÉGIME MODERNE


nités, les grandes fêtes et le dimanche lui manquent ; et ce manque est une privation périodique pour ses oreilles et ses yeux : il regrette les cérémonies, les cierges, les chants, la sonnerie des cloches, l’angélus du matin et du soir. — Ainsi, qu’il le sache ou qu’il l’ignore, son cœur et ses sens sont catholiques[1] et redemandent l’ancienne Église. Avant la Révolution, cette Église vivait de ses revenus propres ; 70 000 prêtres, 37 000 religieuses, 23 000 religieux, défrayés par des fondations, ne coûtaient rien à l’État, presque rien au contribuable ; du moins, ils ne coûtaient rien, pas même la dîme, au contribuable actuel et vivant ; car, établie depuis des siècles, la dîme était une charge pour la terre, non pour le propriétaire jouissant ou pour le fermier exploitant ;

    Un dixième de la population suit les prêtres constitutionnels ; le reste suit les prêtres émigrés et rentrés : ceux-ci ont pour eux la portion riche et influente de la société. » — (Rapport de Lacuée sur Paris et les sept départements environnants : « La situation des prêtres insoumis est plus avantageuse que celle des prêtres soumis… Ceux-ci sont négligés, abandonnés : il n’est pas de bon ton de se joindre à eux… (Les premiers) sont vénérés par leurs adhérents comme des martyrs ; ils inspirent un tendre intérêt, surtout aux femmes. »

  1. Archives nationales, ib. (Rapport de Lacuée : « Les besoins du peuple en ce genre paraissent se borner en ce moment… à un vain spectacle, à des cérémonies : aller à la messe, au sermon, à vêpres, bon pour cela ; mais se confesser, communier, jeûner, faire maigre, n’est commun en pas un endroit… Dans les campagnes où il n’y a pas de prêtres, le magister officie, et l’on est content ; on aimerait mieux des cloches sans prêtres que des prêtres sans cloches. » — Ce regret des cloches est très fréquent et survit même dans les cantons assez tièdes. — (Creuse, 10 pluviôse an IV ; : « Ils s’obstinent à replanter les croix que la police arrache ; ils rattachent aux cloches, pour les sonner, les cordes que le magistrat ôte. »