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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


repris dans son âme la place et l’ascendant que le dogme leur assigne : ils sont redevenus ses guides effectifs, ses directeurs acceptés, seuls interprètes accrédités de la vérité chrétienne, seuls dispensateurs et ministres autorisés de la grâce divine. Sitôt qu’ils peuvent rentrer, il accourt à leur messe et n’en veut point d’autre. Même abruti, ou indifférent et obtus, sans autre pensée que les préoccupations animales, il a besoin d’eux[1] ; leurs solen-

    fois, ils ont traîné à leur suite 3000 à 4000 personnes. » — F7, 7127 (Dordogne, canton de Carlux, 18 pluviôse an IV) : « Le peuple est si attaché au culte catholique, qu’il fait des deux lieues entières pour assister à la messe. » — F7, 7119 (Ardèche, canton de Saint-Barthélemy, 15 pluviôse an IV) : « Les prêtres non soumissionnaires se sont rendus maîtres absolus de l’opinion du peuple. » — (Orne, canton d’Alençon, 22 ventôse an IV) : « Des présidents, des membres d’administrations municipales, au lieu d’arrêter et de faire traduire devant les tribunaux les prêtres réfractaires, les admettent à leur table, les couchent et les rendent dépositaires des secrets de l’administration. » — F7, 7129 (Seine-et-Oise, canton de Jouy, 8 pluviôse an IV) : « Sur 50 citoyens, 49 paraissent avoir le plus grand désir de professer le culte catholique. » — Ib. (canton de Dammartin, 7 pluviôse an IV) : La religion catholique a tout l’empire ; ceux qui ne l’observent pas sont mal vus. » — À la même date (9 pluviôse an IV), le commissaire de Chamarande (Seine-et-Oise) écrit : « Je vois des personnes faire des offrandes de ce qu’ils appellent le pain bénit, et n’avoir pas de quoi subsister ».

  1. Archives nationales, cartons 3144 et 3145, n° 1004 (Missions des conseillers d’État, an IX). — (Rapport de Barbé-Marbois sur la Bretagne.) « À Vannes, j’entrai le jour des Rois dans la cathédrale : « on y célébrait la messe constitutionnelle : il n’y avait qu’un prêtre et deux ou trois pauvres. À quelque distance de là, je trouvai dans la rue une si grande foule, qu’on ne pouvait passer : ces gens n’avaient pu entrer dans une chapelle déjà remplie, où l’on disait la messe appelée des catholiques. — Ailleurs, les églises des villes étaient pareillement désertes, et le peuple allait entendre la messe d’un prêtre récemment arrivé d’Angleterre. » — (Rapport de Français de Nantes sur le Vaucluse et la Provence.)