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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME

VI

Plus profond et plus universel encore s’élève un autre soupir, celui des âmes en qui subsiste ou se réveille le regret de leur culte aboli et de leur église détruite. — En toute religion, la discipline et les rites tiennent à la croyance, puisque c’est la croyance qui les suggère ou les prescrit ; ils en sont le prolongement et l’affleurement ; elle aboutit par eux et se manifeste par eux ; ils sont les dehors dont elle est le dedans ; ainsi, quand on les froisse, on la blesse : à travers l’épiderme sensible, on a choqué une chair vivante et vivace. — Dans le catholicisme, cet épiderme est plus sensible qu’ailleurs ; car il tient à la chair, non seulement par l’adhérence ordinaire qui est l’effet de l’adaptation et de la coutume, mais encore par une attache organique et spéciale qui est le dogme ; ici la théologie a érigé en articles de foi la nécessité des sacrements et la nécessité du sacerdoce ; partant, entre les parties superficielles et les parties centrales de la religion, l’abouchement est direct. Aussi bien, les sacrements catholiques ne sont pas simplement des symboles ; par eux-mêmes, ils ont « une force efficace, une vertu sanctifiante ». « Ce qu’ils figurent, ils l’opèrent[1]. » Quand on m’en interdit l’accès, on

  1. Saint Thomas, Summa theologica, pars III, questio 60 usque ad 85 : « Sacramenta efficiunt quod figurant… Sunt necessaria ad salutem hominum… Ab ipso Verbo incarnato efficaciam habent. Ex sua institutione habent quod conferant gratiam… Sacramentum est causa gratiæ, causa agens, principalis et instrumentalis. »