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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


et non dans la Déclaration des droits[1] : selon eux, le vieux manuel formait des adolescents policés, des fils respectueux ; le nouveau ne fait que des polissons insolents, des chenapans précoces et débraillés[2]. Partant les rares écoles primaires où la République a mis ses hommes et son enseignement restent aux trois quarts vides ; vainement elle ferme celles où d’autres maîtres enseignent avec d’autres livres : les pères s’obstinent dans leur répugnance et dans leur dégoût : ils aiment mieux pour leurs fils l’ignorance pleine que l’instruction malsaine[3]. — Une

  1. Rocquain, 104 (Rapport de Fourcroy sur la 14e division militaire, Manche, Orne, Calvados) : « Outre la mauvaise conduite, l’ivrognerie et l’immoralité de beaucoup d’instituteurs, il paraît certain que le défaut d’instruction sur la religion est le motif principal qui empêche les parents d’envoyer leurs enfants à ces écoles. » — Archives nationales, ib. Rapport de Lacuée sur la 1re  division militaire) : « Les instituteurs et institutrices qui ont voulu se conformer à la loi du 3 brumaire et aux différents arrêtés de l’administration centrale, en mettant aux mains de leurs élèves la Constitution et les Droits de l’homme, ont vu leurs écoles se dépeupler successivement. Les écoles qui ont été les plus suivies sont celles où l’on fait usage de l’évangile, du catéchisme et de la vie de Jésus-Christ… Les instituteurs, ayant été obligés de se régler sur la marche indiquée par le gouvernement, ne pouvaient que suivre des principes qui contrariaient les préjugés et les habitudes des parents : le discrédit s’en est suivi, et, de là, un abandon presque total de la part des élèves. »
  2. La Révolution, tome VII, 133, 134 (note 2).
  3. Statistiques des préfets, Moselle (Analyse par Ferrière). À Metz, en 1789, cinq écoles gratuites pour le premier âge, dont une pour les garçons et quatre pour les filles, tenues par des religieux ou religieuses ; en l’an XII, point : « On a livré à l’ignorance une génération entière. » — Ib., Ain, par Bossi, 1808 : En 1800, les écoles primaires étaient presque nulles dans ce département, comme dans le reste de la France. » En 1808, c’est à peine s’il en possède 30. — Albert Duruy, 480, 496 (Procès-verbaux des Conseils généraux, an IX). Vosges : « L’instruction pri-