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LE DÉFAUT ET LES EFFETS DU SYSTÈME


une transaction s’est conclue. Sans doute le préfet, expédié de Paris, demeure toujours le directeur en titre, le gérant actif et responsable de l’hôtel départemental ou communal ; mais il est tenu de le gérer en vue des élections prochaines, et de façon à maintenir la majorité parlementaire dans la possession des sièges qu’elle occupe au Parlement. Partant il doit se concilier les meneurs locaux du suffrage universel, administrer avec leur concours, subir l’ingérence de leurs convoitises et de leurs préventions, prendre chaque jour leur avis, y déférer souvent, même pour le détail, même pour l’application quotidienne d’un fonds déjà voté, pour la nomination d’un garçon de service, pour la nomination de l’apprenti non payé qui pourra un jour remplacer ce garçon[1]. — De là le spectacle que nous avons sous les yeux : un hôtel mal tenu où la profusion et l’incurie s’aggravent l’une par l’autre, où les sinécures se multiplient et où la corruption s’introduit ; un personnel de plus en plus nombreux et de moins en moins efficace, tiraillé entre deux autorités différentes, obligé d’avoir ou de simuler le zèle politique et de fausser par sa partialité la loi impartiale, appliqué, par delà son devoir professionnel, à des besognes malpropres ; dans ce personnel, deux sortes d’employés, les nouveaux venus,

  1. Paul Leroy-Beaulieu, l’Administration locale en France et en Angleterre, 28. (Décrets du 25 mars 1852 et du 13 avril 1861.) Liste des emplois auxquels le préfet nomme directement et sur la présentation des chefs de service ; entre autres apprentis non payés, il nomme les surnuméraires de l’administration des lignes télégraphiques, les surnuméraires-contrôleurs des contributions directes et les surnuméraires des contributions indirectes.