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LE RÉGIME MODERNE


simple ; la place était prise, occupée d’avance par les deux erreurs qui, tour à tour ou ensemble, ont égaré le législateur et l’opinion. — À prendre l’ensemble des choses, il fut admis jusqu’en 1830 que le propriétaire légitime de l’hôtel local est l’État central, qu’il y installe son délégué, le préfet, muni de pleins pouvoirs, que, pour mieux administrer, l’État consent à se renseigner auprès des principaux intéressés et des plus capables de l’endroit, qu’il resserre dans les plus étroites limites les petits droits qu’il leur concède, qu’il les nomme, que, s’il les convoque ou les consulte, c’est de loin en loin, le plus souvent pour la forme, pour ajouter l’autorité de leur assentiment à l’autorité de son omnipotence, à la condition sous-entendue de ne point tenir compte de leurs remontrances si elles lui déplaisent, et de ne point suivre leurs avis s’ils ne lui agréent pas. — À prendre l’ensemble des choses, il est admis depuis 1848 que les propriétaires légitimes de l’hôtel sont ses habitants mâles, adultes et comptés par tête, tous à titre égal et avec une part égale dans la propriété commune, y compris ceux qui ne contribuent pour rien ou presque rien aux dépenses de la maison, y compris les demi-pauvres très nombreux qu’on y loge à demi-prix, y compris les pauvres non moins nombreux auxquels la philanthropie administrative fournit gratis les commodités de l’hôtel, le couvert, l’éclairage et souvent les vivres. — Entre ces deux conceptions contradictoires et toutes les deux fausses, entre le préfet de l’an VIII et la démocratie de 1792,