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LE RÉGIME MODERNE


commune, soutient la politique régnante et offre son zèle au gouvernement.

Donnant, donnant. À ces auxiliaires indispensables il faut accorder presque tout ce qu’ils demandent, et ils demandent beaucoup. Par instinct, doctrine et tradition, les jacobins sont exigeants, enclins à s’envisager comme les représentants du peuple réel et du peuple idéal, c’est-à-dire comme les souverains de droit, au-dessus de la loi, autorisés à la faire, partant à la défaire, du moins à l’élargir, à l’interpréter comme il leur convient. Au conseil général, au conseil municipal, à la mairie, ils sont toujours tentés d’usurper ; le préfet a fort à faire pour les maintenir dans leur rôle local, pour les empêcher de faire invasion dans les choses d’État et dans la politique générale ; parfois, il est obligé d’embourser leurs manques d’égards, d’être patient avec eux, de parler doux ; car ils parlent haut, ils veulent que l’administration compte avec eux de clerc à maître ; s’ils votent des fonds pour un service, c’est à condition d’intervenir dans l’emploi des fonds et dans le détail du service, dans le choix des entrepreneurs et dans la nomination des employés, à condition d’étendre leur autorité et d’allonger leur main jusque dans l’exécution consécutive qui ne leur appartient pas et qui appartient au préfet[1]. Partant, entre eux et lui, un

  1. J. Ferrand, 169, 170 (Paris, 1879) : « En beaucoup de cas, la tutelle générale et la tutelle locale sont paralysées… Depuis 1870-1876, les maires, pour diminuer les difficultés de leur tâche, sont forcés d’abdiquer très fréquemment leur autorité propre ; les préfets sont conduits à tolérer, à approuver ces