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LE DÉFAUT ET LES EFFETS DU SYSTÈME


village, le sergent de ville qui stationne au coin d’une rue, le cantonnier qui casse des cailloux au bord d’une route. S’il s’agit, non plus des personnes, mais des choses, c’est encore lui qui, en toute œuvre, entreprise ou affaire, est chargé de l’instruction préalable et de l’exécution finale, qui prépare le budget du département et le propose tout dressé au conseil général, qui prépare le budget de la commune et le propose tout dressé au conseil municipal, et qui, après le vote du conseil général ou du conseil municipal, demeure sur le terrain, seul exécutant, directeur et maître de l’opération qu’ils ont consentie. Dans cette opération totale, leur part effective est très mince et se réduit à un acte de volonté nue ; pour prendre leur résolution, ils n’ont guère eu que des pièces fournies et arrangées par lui : pour conduire leur résolution pas à pas jusqu’à l’effet, ils n’ont que ses mains, les mains d’un collaborateur indépendant, qui, ayant ses vues et ses intérêts propres, ne sera jamais un simple instrument. Il manque à leur volonté l’information directe, personnelle et complète, et, par surcroît, l’efficacité pleine ; elle n’est qu’un oui tout sec, interposé entre des racines écourtées, insuffisantes, et des fruits qui avortent ou ne mûrissent qu’à demi. Contre cette volonté mal appuyée et mal outillée, la volonté persistante du préfet, seul éclairé et seul agissant, doit prévaloir, et le plus souvent prévaut. Au fond et au demeurant, par la portée et l’esprit de son office, il est toujours le préfet de l’an VIII.

Néanmoins, depuis les dernières lois, ses mains sont

  le régime moderne, ii.
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