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LE RÉGIME MODERNE


« par département et de cinquante pour Paris », dont les fils, de seize à dix-huit ans, seront envoyés de force à Saint-Cyr, et de là, comme sous-lieutenants, à l’armée. En 1813, encore « dans les classes les plus élevées de la société », et au choix arbitraire des préfets, il en prend 10 000 autres, exempts ou rachetés de la conscription, même mariés, même pères de famille, qui, sous le nom de gardes d’honneur, deviennent soldats, d’abord pour être tués à son service, ensuite et en attendant pour lui répondre de la fidélité de leurs proches. C’est la vieille loi des otages, ce sont les pires procédés du Directoire qu’il reprend à son compte et aggrave à son profit. — Décidément, pour les anciens royalistes, le régime impérial ressemble trop au régime jacobin ; ils répugnent à l’un presque autant qu’à l’autre, et, naturellement, leur aversion s’étend à toute la société nouvelle. Telle qu’ils la connaissent, et depuis un quart de siècle, ils y sont plus ou moins volés et opprimés. Pour que leur hostilité cesse, il faudra l’indemnité de 1825, cinquante ans d’adaptation graduelle, l’élimination lente de deux ou trois générations de pères, l’assimilation lente de deux ou trois générations de fils. — Rien de si difficile à réparer que les grandes injustices sociales ; ici la réparation incomplète n’a pas été suffisante ; le traitement, qui avait commencé par la douceur, a fini par la violence, et l’opération totale n’a réussi qu’à moitié.