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LE RÉGIME MODERNE


sécurité physique et protection contre les fléaux qui se propagent, facilité de la circulation et des transports, pavage, éclairage et salubrité des rues assainies et purgées de leurs immondices, présence et vigilance de la police municipale et rurale : tous ces biens, objets de la société locale, la machine les produit à bon marché, sans défaillances ni chômages prolongés comme tout à l’heure sous la République, sans extorsions et froissements comme au temps de l’ancien régime. Elle marche toute seule, presque sans le concours des intéressés, et, à leurs yeux, ce n’est pas là son moindre mérite ; avec elle, point de tracas, de responsabilité, point d’élections à faire, de discussions à soutenir, de résolutions à prendre ; rien qu’une note à payer, non pas même une note distincte, mais un surplus de centimes ajoutés à chaque franc et inclus avec le principal dans la cote annuelle. Tel un propriétaire oisif, à qui ses intendants formalistes, minutieux et un peu lents, mais ponctuels et capables, épargnent le soin de gérer son bien ; dans un accès de mauvaise humeur, il pourra congédier l’intendant en chef ; mais, s’il change les régisseurs de son domaine, il n’en changera pas le régime ; il y est trop accoutumé : sa paresse en a besoin ; il n’est pas tenté de se donner des soucis et de la peine, ni préparé à devenir son propre intendant.

Bien pis, dans le cas présent, le maître a oublié que son domaine lui appartient, il n’est pas même sûr d’avoir un domaine ; il a perdu conscience de lui-même, il se souvient à peine qu’il est un individu. Large ou