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LE RÉGIME MODERNE


saisiront ses fils exempts ou rachetés du service. Il se laisse manier, il n’est qu’un rouage dans une machine énorme, un rouage qui reçoit son impulsion d’ailleurs et d’en haut, par l’intermédiaire du préfet. — Mais, sauf les cas rares où l’ingérence du gouvernement l’applique à des besognes violentes et oppressives, il reste utile ; engrené à sa place, s’il se réduit à tourner régulièrement et sans bruit dans son petit cercle, il peut, à l’ordinaire, rendre encore le double service qu’un ministre patriote lui demandait en l’an IX ; selon la définition que Chaptal donnait alors aux conseils généraux pour fixer leurs attributions et leur compétence, ils ont deux objets, et seulement deux objets[1] : ils doivent d’abord « assurer aux administrés l’impartialité dans la répartition de l’impôt et la vérification de l’emploi des deniers levés pour le payement des dépenses locales » ; ils doivent, en outre, avec discrétion et modestie, « procurer au gouvernement des lumières

    les gardes d’honneur. Réunis spontanément (on est toujours réuni spontanément), ses membres firent une adresse enthousiaste… On trouva cela d’un fort bon exemple ; l’adresse fut insérée au Moniteur et le Moniteur envoyé à tous les préfets… On fit délibérer les conseils, qui disposèrent généreusement des enfants d’autrui, et de très honnêtes gens, moi tout le premier, crurent pouvoir concourir à cette indignité, tant le fanatisme impérial avait fasciné les yeux, faussé les consciences ! »

  1. Archives nationales. Comptes de situation des préfets et rapports des commissaires généraux de police, F7, 3014 et suivants. — Rapports des sénateurs sur leurs sénatoreries, AF, IV, 1051 et suivants.) — Ces papiers exposent, aux différentes dates, l’état des choses et des esprits en province. Le plus instructif et le plus détaillé de ces rapports est celui de Rœderer sur la sénatorerie de Caen et sur les trois départements qui la composent. (Imprimé dans ses Œuvres complètes, t. III.