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LE RÉGIME MODERNE


iront siéger au chef-lieu. Cette fois encore, le président, conducteur responsable du troupeau cantonal, a soin de le conduire ; son doigt posé sur la liste indique aux électeurs les noms que le gouvernement préfère ; au besoin, il ajoute un mot à son geste, et, probablement, les votants se montreront aussi dociles que tout à l’heure. D’autant plus que la composition du collège électoral ne les intéresse qu’à demi ; ce collège ne les tient pas, comme le conseil municipal, par l’endroit sensible ; il n’est pas chargé de serrer ou relâcher les cordons de leur bourse ; il ne vote pas de centimes additionnels, il ne s’occupe pas de leurs affaires, il n’est là que pour la montre, pour offrir aux yeux le simulacre du peuple absent, pour présenter des candidats, pour jouer la seconde scène électorale toute pareille à la première, mais jouée au chef-lieu et par de nouveaux acteurs. — Eux aussi, ces figurants ont un conducteur en titre, nommé par le gouvernement et responsable de leur conduite, « un président qui a seul la police de leur collège assemblé », et doit diriger leur vote. Pour chaque place vacante dans le conseil général du département, ils ont à présenter deux noms ; certainement, d’eux-mêmes, presque sans aide, sur la plus légère suggestion, ils devineront les noms convenables. Car ils ont la compréhension plus prompte et l’esprit plus ouvert que les membres arriérés et ruraux d’une assemblée cantonale ; ils sont mieux informés, ils se sont mis au courant, ils ont fait visite au préfet, ils savent son opinion, l’opinion du gouvernement ; là-dessus, ils votent. Infailliblement,