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LE DÉFAUT ET LES EFFETS DU SYSTÈME


communale, respectés ou tolérés par la centralisation monarchique, sont écrasés et anéantis ; dès les premiers mois, la main du Premier Consul s’abat sur les sociétés locales comme une griffe ; même il semble qu’aux yeux du nouveau législateur elles n’existent pas ; pour lui, point de personnes locales ; la commune et le département ne sont à ses yeux que des circonscriptions territoriales, des portions physiques du domaine public, des ateliers de province où l’État central transporte et applique ses outils, pour travailler efficacement et sur place. Ici, comme ailleurs, il se charge de toute la besogne ; s’il y emploie les intéressés, ce ne sera qu’à titre d’auxiliaires, de loin en loin, pendant quelques jours, pour opérer avec plus de discernement et d’économie, pour recevoir des doléances et des vœux, pour être mieux informé, pour mieux répartir les charges ; mais, sauf cette petite aide intermittente et subordonnée, les membres de la société locale resteront passifs dans la société locale ; ils payeront et obéiront, rien de plus. Leur société ne s’appartient plus, elle appartient au gouvernement ; elle a pour chefs des fonctionnaires qui dépendent de lui et ne dépendent pas d’elle ; elle ne confère plus de mandat ; tous ses mandataires légaux, tous ses représentants et gérants, conseillers municipaux ou généraux, maires, sous-préfets ou préfets, lui sont imposés d’en haut, par une main étrangère, et, bon gré mal gré, au lieu de les choisir, elle les subit.

  le régime moderne, ii.
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