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LE DÉFAUT ET LES EFFETS DU SYSTÈME


n’est la maison d’Annecy, quand le toit crevé y laisse entrer la pluie. — D’autre part, faute de défense contre les fléaux, les fléaux se donnent carrière : demain, une marée d’équinoxe submergera toute la côte plate, le fleuve débordé ira dévaster au loin les campagnes, l’incendie gagnera de proche en proche, la petite vérole et le choléra se communiqueront, et les vies seront en péril[1], en péril plus grave que dans la maison d’Annecy, lorsque les gros murs menacent de s’effondrer. — Sans doute, je puis accepter pour moi-même cette condition misérable, m’y résigner, consentir, pour mon propre compte, à me claquemurer dans mon logis, à y jeûner, à courir la chance plus ou moins prochaine d’être noyé, incendié, empoisonné ; mais je n’ai pas le droit d’y condamner autrui, ni de me refuser pour ma part à une dépense dont je bénéficierai pour ma part. — Quant à ma part dans la dépense, elle est d’avance fixée, et fixée par ma part dans les bénéfices ; Qui reçoit doit, et en proportion de ce qu’il reçoit : tel est l’échange équitable ; sans lui, aucune société n’est prospère et saine ; il faut que, pour chaque membre, les charges compensent exactement les avantages, et que les deux plateaux de la

  1. Rocquain, préfaces et résumé, 41 (sur les digues et ouvrages de défense contre l’inondation, à Dol en Bretagne, à Fréjus, dans la Camargue, dans le Bas-Rhin, le Nord, le Pas-de-Calais, à Ostende et Blankenbergue, à Rochefort, à la Rochelle, etc.). — À Blankenbergue, il suffirait d’un fort coup de vent pour emporter la digue dégradée et ouvrir entrée à la mer. « La crainte d’un sinistre, qui eût ruiné en grande partie les départements de la Lys et de l’Escaut, tenait les habitants dans des transes continuelles. »