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LE RÉGIME MODERNE


giène répressive ou préventive contre l’insalubrité qui naît du voisinage ou du contact.

Il s’agit de pourvoir à cela, et l’entreprise, sinon tout entière et dans ses développements, du moins en elle-même et dans ce qu’elle a de nécessaire, s’impose collectivement à tous les habitants de la circonscription, à tous, depuis le premier jusqu’au dernier. Car, faute de voie publique, aucun d’eux ne peut faire sa besogne quotidienne, circuler ou même sortir de chez soi ; les transports cessent et le commerce est suspendu ; par suite, les métiers et les professions chôment, l’industrie s’arrête, l’agriculture devient impraticable ou infructueuse ; les champs ne sont plus desservis, les provisions, les vivres, y compris le pain[1], tout manque, et les habitations deviennent inhabitables, plus inhabitables que

  1. Rocquain, l’État de la France au 18 Brumaire (Rapport de Fourcroy, 130, 166) : « Une quantité de blé valant 18 francs à Nantes coûte une égale somme pour être transportée à Brest. J’ai vu des routiers, ne pouvant marcher que par caravanes de sept ou huit, ayant chacun de six à huit forts chevaux attelés à leurs voitures, aller les uns après les autres, se prêtant alternativement leurs chevaux pour sortir des ornières où leurs roues sont engagées… Dans beaucoup d’endroits, j’ai vu avec douleur les charrettes et les voitures quittant la grande route et traversant, dans des espaces de cent à deux cents mètres, les terres labourées, où chacun se fraye un chemin… Les routiers ne font quelquefois que trois ou quatre lieues entre deux soleils. » — Par suite, disette à Brest. « On assure qu’on y est depuis longtemps à demi-ration et peut-être au quart de ration. — Cependant il y a maintenant en rivière, à Nantes, quatre cents à cinq cents vaisseaux chargés de grains ; ils y sont depuis plusieurs mois et leur nombre augmente tous les jours ; les matières qu’ils renferment se détériorent et s’avarient. »