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LE RÉGIME MODERNE


de la Bastille, sous la coupole des Invalides, après une messe solennelle, devant l’Impératrice et toute la cour, puis un mois après, le 15 août 1804, jour anniversaire de la naissance de l’Empereur, au camp de Boulogne, en face de l’Océan et de la flottille qui doit conquérir l’Angleterre, en présence de cent mille spectateurs, devant toute l’armée, au roulement de dix-huit cents tambours, Napoléon reçoit le serment des légionnaires et leur distribue les croix ; probablement, il n’y eut jamais de cérémonie plus enivrante : un homme d’une vertu austère, le grand chirurgien Larrey, qui fut alors décoré, en garda l’émotion jusqu’à la fin de sa vie, et ne parlait de ce jour unique qu’avec un tremblement dans la voix. Ce jour-là, presque tous[1] les mérites et les talents supérieurs et prouvés de la France sont proclamés, chacun avec le titre proportionné qui convient à son degré d’éminence, chevaliers, officiers, commandeurs, grands officiers et, plus tard, grands aigles, chacun sur la même ligne que ses égaux d’un ordre différent, les ecclésiastiques auprès des laïques, les civils auprès des militaires, chacun honoré par la compagnie de ses pairs, Berthollet, Laplace et Lagrange à côté de Kellermann, Jourdan et Lefebvre, Otto et Tron-

    d’officiers, « mauvaises têtes », qui n’aimaient pas la messe, ne voulurent pas entrer dans la chapelle et restèrent dans la cour.

  1. Plusieurs généraux, Lecourbe, Souham, etc., furent exclus comme trop républicains ou comme suspects et hostiles. Lemercier, Ducis, Delille et La Fayette avaient refusé. L’amiral Truguet, qui, par pique et mécontentement, avait d’abord refusé le grade de grand officier, finit par se raviser, devint d’abord commandeur, puis grand officier.