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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


n’est en état de les saper sous lui, sauf lui-même ; il y est assis définitivement, à demeure. Autour de lui, dans le public, silence profond ; quelques-uns osent à peine chuchoter, mais sa police a l’œil sur eux : au lieu d’obéir à l’opinion, il la régente, il la maîtrise, et, au besoin, il la fabrique ; du haut de son siège, seul, en toute indépendance et sécurité, il prononce les arrêts de la justice distributive. Cependant, contre les influences et les séductions qui faussaient les arrêts de ses prédécesseurs, il est en garde ; devant son tribunal, les manèges et les artifices qui prévalaient jadis auprès du peuple ou auprès du roi ne sont plus de mise ; désormais, c’est un mauvais métier que celui de courtisan ou de démagogue. — D’une part, on ne parvient plus, comme autrefois sous la monarchie, par des assiduités d’antichambre, par des manières élégantes, par des flatteries délicates, par l’entremise des salons, des valets intimes et des femmes. Ici les maîtresses n’ont point de crédit, il n’y a point de favoris ni de favorites ; les valets de chambre restent à l’état d’ustensiles ; les grands personnages de cour ne sont qu’un décor supplémentaire et l’ameublement humain du palais. Pas un d’entre eux n’oserait demander pour un des siens une place que le protégé serait incapable de remplir, une promotion qui troublerait le tableau d’avancement, un passe-droit ; s’ils obtiennent quelques grâces, elles sont infimes, ou politiques ; le maître ne leur en accorde qu’avec une arrière-pensée, pour les rallier, eux et leur parti. Eux-mêmes, leur culture ornementale, leur ton parfait, leurs