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LE RÉGIME MODERNE


cours et à trouver un juge impartial, un arbitre incontesté du concours.

IV

Enfin, le voici, ce juge-arbitre. Le 8 novembre 1799, il s’est assis sur son siège, et, dès le soir même, il remplit son office, il choisit entre des concurrents, il fait des nominations. C’est un chef militaire[1], et il s’est installé lui-même ; partant il ne dépend point d’une majorité parlementaire, et, devant ses soldats, toute émeute, toute velléité d’attroupement avorte avant de naître ; la souveraineté de la rue est abolie ; les Parisiens se souviendront longtemps du 13 Vendémiaire et de la façon dont le général Bonaparte les a mitraillés sur l’escalier de Saint-Roch. Contre eux et contre les perturbateurs, quels qu’ils soient, contre les opposants qui voudraient contester sa juridiction, il a pris ses précautions dès le premier jour ; son fauteuil de Premier Consul et ensuite son trône d’Empereur sont solides : personne en France

  1. Sur la raideur et la rigueur militaire de son gouvernement, cf. Mes souvenirs sur Napoléon, 251, par le comte Chaptal : « Un jour, le général Gouvion-Saint-Cyr se présente aux Tuileries. Bonaparte lui dit d’un ton calme : « Général, vous arrivez de Naples ? — Oui, sire, j’ai cédé le commandement au général Pérignon que vous avez envoyé pour me remplacer. — Vous avez sans doute reçu la permission du ministre de la guerre ? — Non, sire, mais je n’avais plus rien à faire à Naples. — Si, dans deux heures, vous n’êtes pas sur le chemin de Naples, avant midi vous êtes fusillé en plaine de Grenelle. » — J’ai vu traiter de la même manière le général Loison qui avait quitté Liège, où il commandait, pour venir passer deux jours à Paris où l’appelaient des affaires pressantes. »