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LE RÉGIME MODERNE


mée comme dans le reste, et à deux reprises : au début, par l’élection du supérieur, que l’on confiait aux subordonnés, ce qui livrait les grades aux bavards de chambrée et aux intrigants qui faisaient boire ; ensuite, sous la Terreur, et même plus tard[1], par le supplice ou la destitution de tant d’officiers patriotes et méritants, par le dégoût qui conduisait Gouvion-Saint-Cyr et ses camarades à éviter ou à refuser les premiers grades, par la promotion scandaleuse des fanfarons de club et des nullités dociles, par la dictature militaire des proconsuls civils, par la suprématie conférée à Léchelle et Rossignol, par la subordination imposée à Kléber et à Marceau, par les dispositions stupides d’un démagogue à grosses épaulettes comme Carteaux[2], par les ordres du jour grotesques d’un sacripant ivrogne comme Henriot[3], par la disgrâce de Bonaparte, par la détention de Hoche. — Dans l’ordre civil, c’était pis : la règle qui proportionne l’avancement au mérite n’était pas seulement méconnue ; on l’appliquait en sens inverse. Dans le gouvernement central comme dans le gouvernement local, et du haut en bas de la hiérarchie, depuis la dignité de ministre des affaires étrangères jusqu’à l’emploi de président du plus petit comité révolutionnaire, les places étaient pour les indignes ; leur indignité allait croissant, parce qu’une épuration incessante opérait sur eux à

  1. La Révolution, tome VI, 88, et tome VII, 332.
  2. Napoléon, Mémoires (rédigés par M. de Montholon), III, 11-19. Sur l’ignorance extraordinaire de Carteaux. — Ib., 23. Sur l’incapacité de Doppet, successeur de Carteaux.
  3. La Révolution, tome VIII, 29.