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LE RÉGIME MODERNE


lèvent et tourbillonnent ; ils se heurtent entre eux ; beaucoup tombent, se brisent à demi et se remettent à ramper comme auparavant : quelques-uns, plus forts ou plus heureux, montent et brillent dans les hauts chemins de l’air. — Par les décrets de la Constituante, les plus hauts chemins et tous les chemins ont été ouverts à tous, non pas seulement pour l’avenir, mais dès l’instant même. Destitution brusque de tout le personnel commandant, dirigeant ou influent, politique, administratif, provincial, municipal, ecclésiastique, enseignant, militaire, judiciaire et financier ; appel aux places de tous ceux qui les convoitent et qui ont bonne opinion d’eux-mêmes ; abolition totale des conditions préalables, naissance, fortune, éducation, ancienneté, apprentissage, mœurs et manières, qui ralentissaient et limitaient l’avancement : plus de garanties ni de répondants : tous les Français éligibles à tous les emplois ; dans la hiérarchie légale et sociale, tous les grades conférés par l’élection plus ou moins directe, par le suffrage de plus en plus populaire, par la simple majorité numérique ; par suite, dans toutes les branches du gouvernement, de l’autorité et du patronage central ou local, installation d’un personnel nouveau ; transposition universelle qui partout substitue l’ancien inférieur à l’ancien supérieur[1],

  1. La Révolution, tome V, 19, 36. (Articles de Mallet du Pan, Mercure de France, 30 décembre 1791 et 7 avril 1792.) — Napoléon (Mémorial, 3 septembre 1816) porte le même jugement et constate dans la Révolution le même caractère essentiel ; « elle consistait à dire à tous ceux qui remplissaient les administrations, qui possédaient toutes les charges, qui jouissaient de toutes les fortunes : « Allez-vous-en. »