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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


Probablement, si la Révolution n’était pas intervenue, les grands parvenus de la Révolution et de l’Empire se seraient soumis, comme leurs devanciers, aux nécessités ambiantes, et accommodés sans trop de peine à la discipline du régime établi. Cambacérès, qui avait succédé à son père en qualité de conseiller à la cour de Montpellier, se serait trouvé à son tour premier président ; cependant il aurait écrit de savants traités de jurisprudence et inventé quelque merveilleux pâté de becfigues ; Lebrun, ancien collaborateur de Maupeou, fût devenu à Paris conseiller à la cour des aides ou pre-

    notamment les chansons militaires : Malgré la bataille, Dans les gardes françaises, etc. — Au temps de la Restauration, les chansons pastorales ou galantes de Florian, de Boufflers et de Berquin étaient encore chantées dans les familles bourgeoises, et chacun, jeune ou vieux, homme ou femme, chantait la sienne au dessert. — Ce fonds de gaîté, de légèreté, de gentillesse a persisté à travers toute la Révolution et tout l’Empire. Travels through the South of France 1807 and 1808, 132, par le lieutenant-colonel Pinkney, citoyen des États-Unis) : « Je dois dire, une fois pour toutes, que les manières décrites par Marmontel sont fondées sur la nature. » Il cite quantité de petits faits à l’appui, et constate, dans toutes les classes, la politesse innée, l’esprit communicatif et bienveillant, la grâce souriante, l’art d’être heureux et de rendre heureux les autres, ne fut-ce que pour trois minutes et en passant. — Même impression si l’on compare les estampes, dessins de modes, petits sujets, caricatures de cette période et de l’époque présente. Le ton haineux ne commence qu’avec Béranger ; encore ses premières chansons (le Roi d’Yvetot, le Sénateur) ont-elles le tour, l’accent, la malice ingénieuse et non venimeuse de l’ancienne chanson. Aujourd’hui, dans la petite bourgeoisie, dans les cercles de commis ou d’étudiants, on ne chante plus, et, avec la chanson, nous avons vu disparaître les autres traits qui frappaient les étrangers, la galanterie, le badinage, le parti pris de considérer la vie comme une série de quarts d’heure dont chacun peut être séparé des autres, se suffire et devenir agréable, agréable à celui qui parle et à celui ou à celle qui écoute.