Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 10, 1904.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
LE RÉGIME MODERNE


enserrés et retenus dans son enclos ; point d’autre champ de course ; par contre, dans l’enclos, les carrières, dessinées et jalonnées d’avance, appellent les coureurs ; le gouvernement a disposé et aplani le terrain, posé les compartiments, distingué et préparé des lices rectilignes qui convergent au terme ; c’est là qu’il siège, unique arbitre du concours, et il étale aux yeux des concurrents les innombrables prix qu’il leur propose. — Ces prix sont ses emplois, tous les emplois de l’État, politiques, militaires, ecclésiastiques, judiciaires, administratifs, universitaires, tous les titres, honneurs et dignités dont il dispose, tous les grades, depuis le dernier jusqu’au premier de sa hiérarchie, depuis celui de caporal, régent de collège, conseiller municipal, surnuméraire de bureau, curé desservant, jusqu’à celui de sénateur, maréchal de France, grand maître de l’Université, cardinal, ministre d’État. Selon que la place est plus ou moins haute, elle confère à son possesseur une part plus ou moins grande des biens que tous les hommes désirent et recherchent, argent, autorité, patronage, influence, considération, importance, prééminence sociale ; ainsi, selon le rang qu’on atteint dans la hiérarchie, on est quelque chose ou peu de chose ; hors de la hiérarchie, on n’est rien.

Par conséquent, la faculté d’y entrer et d’y monter est l’une des plus précieuses : dans le nouveau régime, elle est garantie par la loi, elle devient de droit commun, elle appartient à tous les Français. Puisque l’État ne leur laisse pas d’autres débouchés, il leur doit celui-là ;