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LE RÉGIME MODERNE


en Europe, les petites Églises de la minorité obtiennent de l’État la même mesure d’indifférence et de bienveillance que la grande Église de la majorité, et désormais, en fait aussi bien qu’en droit, les ministres des trois cultes jadis ignorés, tolérés ou proscrits, ont leur rang, leur titre, leurs honneurs, dans la hiérarchie sociale et dans la hiérarchie légale, aussi bien que les ministres du seul culte autrefois dominant ou permis. Pareillement, dans l’ordre civil, plus d’infériorité ni de disgrâce attachées par la loi à une condition, à la qualité de roturier, de villageois, de paysan ou d’indigent, comme autrefois sous la monarchie, — à la qualité de noble, de bourgeois, de citadin, de notable ou de riche, comme tout à l’heure sous la République ; chacune des deux classes est relevée de sa déchéance. Aucune classe n’est grevée par l’impôt ni par la conscription au delà de son dû ; toutes les personnes et toutes les propriétés trouvent, dans le gouvernement, dans l’administration, dans les tribunaux, dans les gendarmes, la même protection efficace ; voilà pour l’équité et pour le bon esprit égalitaire. — Voici maintenant pour le mauvais esprit égalitaire et pour l’envie. Sans doute les plébiscites et l’élection des députés au Corps législatif ne sont que des comédies ; mais, dans cette comédie, tous les rôles se valent, et le duc d’ancienne ou nouvelle fabrique, simple figurant parmi des milliers et des millions d’autres, ne donne qu’un suffrage comme le savetier du coin. Sans doute, à la commune, dans le département, dans les instituts de charité, de culte et d’éducation, toute indé-