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LE RÉGIME MODERNE


basse ; plus bas encore les juifs, sorte d’étrangers, à peine tolérés, et les calvinistes, non seulement privés des droits les plus humbles, mais encore, depuis cent ans, persécutés par l’État.

Tous ces gens-là, que le droit historique transportait plus ou moins loin hors de la cité, le droit philosophique, en 1789, les y ramène. Après les déclarations de l’Assemblée constituante, il n’y a plus en France de Bretons, de Provençaux, de Francs-Comtois ou d’Alsaciens, ni de catholiques, de protestants ou d’israélites, ni de nobles ou de roturiers, ni de bourgeois ou de villageois, mais seulement des Français, tous citoyens au même titre, tous dotés des mêmes droits civils, religieux et politiques, tous égaux devant l’État, tous introduits par la loi dans toutes les carrières, ensemble, sur la même ligne et sans entrées de faveur, tous, sans distinction de qualité, naissance, croyance ou fortune, invités à fournir jusqu’au terme la carrière qu’ils ont choisie, tous appelés, s’ils sont bons coureurs, à recevoir au bout de la lice les plus beaux prix, emplois et grades, notamment les dignités et places éminentes qui, jusqu’ici réservées à une classe ou à une coterie, étaient d’avance interdites au grand nombre. Désormais tous les Français jouissent, en théorie, du droit commun ; par malheur, ce n’est qu’en théorie. En fait, dans la cité, les nouveaux venus s’approprient la place, les prétentions et plus que les privilèges des anciens occupants ; ceux-ci, grands et moyens propriétaires, gentilshommes, parlementaires, officiers, ecclésiastiques, ca-