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LE RÉGIME MODERNE


unique d’une veuve, celui qui est l’aîné de trois orphelins, celui dont le père, âgé de soixante et onze ans, vit du travail de ses mains : ce sont tous des soutiens de famille[1]. Il leur adjoint les jeunes gens qui s’enrôlent dans une de ses milices civiles, dans sa milice ecclésiastique ou dans sa milice universitaire, élèves de l’École normale, frères ignorantins, séminaristes ordonnés prêtres, à condition, qu’ils s’engageront à le servir et qu’ils le serviront effectivement, les uns pendant dix ans, les autres pendant toute leur vie, sous une discipline plus rigide ou presque aussi rigide que la discipline militaire[2]. Enfin, il autorise ou institue le remplacement de gré à gré, par convention privée entre un conscrit et le suppléant volontaire, valide, vérifié, dont le conscrit répond[3]. S’ils ont fait entre eux ce marché, c’est librement, en pleine connaissance de cause, et parce que chacun des deux trouve son avantage dans l’échange ; l’État n’a pas le droit de les frustrer inutilement l’un et l’autre de cet avantage, et de s’opposer à un échange dont il ne souffre pas. Or il n’en souffre pas, et souvent même il y gagne. Car, ce dont il a besoin, ce n’est pas d’un tel, Pierre ou Paul, mais d’un homme aussi capable que Pierre ou Paul de tirer un coup de fusil, de faire

  1. Loi du 6 floréal an XI, article 15. — Loi du 8 fructidor an XIII, article 18.
  2. Décret du 29 juillet 1811 (Sur l’exemption des élèves de l’École normale). — Décret du 30 mars 1810, titre II, articles 2, 4, 5, 6 (Sur la police et le régime de l’École normale). — Décret sur l’organisation de l’Université, titres VI et XIII, 17 mars 1808.
  3. Loi du 17 ventôse an VIII, titre III, articles I, 13. — Loi du 8 fructidor an XIII. articles 50, 54, 55.