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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


créancier intelligent ; il sait que cette dette est « la plus affreuse et la plus détestable pour les familles », que ses débiteurs sont des hommes réels, vivants et partant divers, qu’un chef d’État doit tenir compte de leurs différences, je veux dire de leur condition, de leur éducation, de leur sensibilité, de leur vocation, que, non seulement dans leur intérêt privé, mais encore dans l’intérêt public, non seulement par prudence, mais aussi par équité, on ne doit pas les astreindre tous, indistinctement, au même métier machinal, à la même corvée manuelle, à la même servitude prolongée et indéfinie de l’âme et du corps. Déjà, sous le Directoire, la loi avait dispensé les jeunes gens mariés et les veufs ou divorcés qui étaient pères[1] ; Napoléon dispense aussi le conscrit qui a un frère dans l’armée active, celui qui est le fils

    de Saint-Girons et réclamèrent à hauts cris Gouazé, conscrit déserteur, condamné. Le geôlier étant descendu, ils se jetèrent sur lui et l’accablèrent de coups. » — (Haute-Loire.) « La colonne mobile continue à se diriger simultanément contre les réfractaires et désobéissants des classes des années IX, X, XI, XII et XIII, et contre les retardataires de celle de l’an XIV, sur laquelle il reste encore à fournir 134 hommes. » — (Bouches-du-Rhône.) 50 marins déserteurs et 85 déserteurs ou conscrits des différentes classes ont été arrêtés ». — (Dordogne.) « Sur 1353 conscrits, 134 ont été arrêtés : 81 conscrits se sont rendus librement par l’effet de la garnison placée chez eux ; 186 ne se sont pas rendus. Sur 892 conscrits de l’an XIV mis en marche, 101 ont déserté en route. » — (Gard.) « 75 réfractaires ou déserteurs arrêtés. » — (Landes.) « Sur 406 hommes partis, 51 ont déserté en route, etc. ». — La répugnance s’aggrave de plus en plus. (Cf. les comptes rendus analogues de 1812 et 1813, F7, 3018 et 3019 ; le Journal d’un bourgeois d’Évreux, 150 à 214 ; et 1814, par Henri Houssaye, 8 à 24.)

  1. Loi du 19 fructidor an VI.