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LE RÉGIME MODERNE


Désormais tout mâle adulte et valide doit la dette du sang ; plus d’exemptions[1] en fait de service militaire : tous les jeunes gens arrivés à l’âge requis tirent à la conscription et partent tour à tour, selon l’ordre fixé par leur numéro de tirage[2]. — Mais Napoléon est un

    tance devant l’ennemi. 3o Recrutement de 300 000 hommes, qui échoue en partie ; le réquisitionnaire peut toujours s’exempter en fournissant un remplaçant. 4o Levée en masse de 500 000 hommes, qu’on appelle des volontaires, mais qui sont de vrais conscrits. »

  1. Mémorial (Paroles de Napoléon au Conseil d’État) : « Je suis intraitable sur les exemptions ; elles seraient des crimes ; comment charger sa conscience d’avoir fait tuer l’un à la place de l’autre ? » — « La conscription était la milice sans privilège : c’était une institution éminemment nationale et déjà fort avancée dans nos mœurs. Il n’y avait que les mères qui s’en affligeassent encore, et le temps serait venu où une fille n’eût pas voulu d’un garçon qui n’eût pas acquitté sa dette envers la patrie. »
  2. Loi du 8 fructidor an XIII, article 10. — Pelet de la Lozère, 229 (Paroles de Napoléon au Conseil d’État, 29 mai 1804). — Pelet ajoute : « Le temps du service ne fut pas déterminé… On était, par le fait, exilé de ses foyers pour toute sa vie, et cet exil avait un caractère de perpétuité désolant… Sacrifice entier de l’existence… Moisson annuelle de jeunes gens arrachés à leurs familles pour être envoyés à la mort. » — Archives nationales, F7, 3014. (Comptes rendus par les préfets, 1806.) Dès cette date, et même dès l’origine, on constate l’extrême répugnance, qui n’est surmontée que par les moyens extrêmes de contrainte… (Ardèche.) « Si l’on jugeait de l’état du pays par les résultats de la conscription, on pourrait s’en faire une mauvaise idée. » — (Ariège). « À Brussac, arrondissement de Foix, 4 ou 5 individus s’armèrent de pierres et de couteaux pour procurer l’évasion d’un conscrit arrêté par la gendarmerie… La garnison fut mise dans cette commune. — À Massat, arrondissement de Saint-Girons, quelques brigades de gendarmerie se rendant dans cette commune pour y établir la garnison, afin d’accélérer le départ des conscrits réfractaires, furent assaillies à coups de pierres ; on tira même un coup de fusil sur cette troupe… La garnison fut mise dans ces hameaux, comme dans le reste de la commune. — Dans la nuit du 16 au 17 frimaire dernier, 6 individus étrangers se présentèrent devant la maison d’arrêt