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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


Les 50 000 douaniers ou commis de la ferme, les 23 000 soldats sans uniforme qui, échelonnés à l’intérieur sur un cordon de 1200 lieues, gardaient les pays de grande gabelle contre les provinces moins taxées, rédimées ou franches, les innombrables employés des traites et barrières, appliqués comme un réseau compliqué et enchevêtré autour de chaque province, ville, district ou canton, pour y percevoir, sur vingt ou trente sortes de marchandises, quarante-cinq grands droits généraux, provinciaux ou municipaux et près de seize cents péages, bref le personnel de l’ancien impôt indirect a disparu presque entier. Sauf à l’entrée des villes et pour l’octroi, les yeux ne rencontrent plus le commis ; les voituriers qui, du Roussillon ou du Languedoc, transportent à Paris une pièce de vin, n’ont plus à subir, en quinze ou vingt endroits différents, ses perceptions, ses vexations, son bon plaisir, ni à lui imputer les douze ou quinze jours dont son prédécesseur allongeait inutilement leur voyage, et pendant lesquels, dans son bureau, oisifs, à la file, ils devaient attendre ses écritures, sa quittance et son laissez-passer. Il n’y a plus guère que le cabaretier qui voit chez lui son uniforme vert ; après l’abolition de l’inventaire à domicile, près de 2 millions de propriétaires et métayers vignerons sont pour toujours débarrassés de ses visites[1] ; désormais, pour les consommateurs, surtout pour les gens du peuple, il est absent et semble nul. En effet, on l’a transféré à cent

  1. Ce chiffre est donné par Gaudin.