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LE RÉGIME MODERNE


intervention passe inaperçue. — Grâce à ces précautions, on lève l’impôt indirect, même sur les petits contribuables, sans les écorcher ni les révolter. Faute de ces précautions, avant 1789 on les écorchait[1] avec tant de maladresse, qu’en 1789 c’est contre l’impôt indirect qu’ils se sont d’abord révoltés[2], contre le piquet, la gabelle, les aides, les douanes intérieures et les octrois des villes, contre les agents, les bureaux et les registres du fisc, par le meurtre, le pillage et l’incendie, dès le mois de mars en Provence, à Paris dès le 13 juillet, puis dans toute la France, avec une hostilité si universelle, si déterminée, si persévérante, que l’Assemblée nationale, après avoir vainement tenté de rétablir les perceptions suspendues et de soumettre la populace à la loi, finit par soumettre la loi à la populace et supprime par décret l’impôt indirect tout entier[3].

Telle est, en fait d’impôts, l’œuvre de la Révolution. Des deux sources qui, par leur afflux régulier, remplissent le Trésor public et que l’ancien régime captait et conduisait mal, violemment, par des procédés incohé-

  1. L’Ancien Régime, tome II, 247 à 252.
  2. La Révolution, tome III, 28, 63.
  3. Décret du 31 octobre-5 novembre 1790, abolissant les droits de traites et supprimant tous les bureaux placés dans l’intérieur du royaume pour leur perception. — Décret du 21-30 mars 1790, abolissant toutes les gabelles. — Décret du 2-17 mars 1791, abolissant tous les droits sur les boissons, et décret du 19-25 février 1791, abolissant tous les droits d’octroi. — Décret du 20-27 mars 1791, pour la liberté de la culture, fabrication et vente du tabac ; les droits de douane pour l’importation du tabac en feuilles sont seuls maintenus et ne donnent qu’un revenu insignifiant, 1 500 000 à 1 800 000 francs en l’an V.