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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


commerçant, il sait que, pour gagner beaucoup, il doit vendre beaucoup, qu’il a besoin d’une clientèle très large, que la plus large clientèle est celle qui lui donnera tous ses sujets pour clients, bref qu’il lui faut pour chalands, non seulement les riches, qui ne sont que des dizaines de mille, non seulement les gens aisés, qui ne sont que des centaines de mille, mais aussi les demi-pauvres et les pauvres, qui sont par millions et par dizaines de millions, C’est pourquoi, parmi les marchandises dont la vente lui profitera, il a soin de mettre des denrées que tout le monde achète, par exemple le sel, le sucre, le tabac, les boissons, qui sont d’un usage universel et populaire. Cela fait, suivez les conséquences, et, sur toute la surface du territoire, dans chaque ville ou village, regardez la boutique du débitant. Tous les jours et toute la journée, les consommateurs s’y succèdent ; incessamment leurs gros sous, leurs petites pièces blanches, sonnent sur le comptoir ; dans chaque petite pièce, dans chaque gros sou, il y a pour le fisc tant de centimes. C’est là sa part, et il est bien sûr de l’avoir, car il la tient déjà : il l’a touchée d’avance. Au bout de l’année, ces innombrables centimes font dans sa caisse un tas de millions, autant et plus de millions qu’il n’en récolte par l’impôt direct.

Et cette seconde récolte a bien moins d’inconvénients que la première : elle en a moins pour le contribuable qui la subit, et pour l’État qui la fait. — Car d’abord le contribuable souffre moins. Vis-à-vis du fisc, il n’est plus un débiteur simple, contraint de verser telle somme à