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LA STRUCTURE DE LA SOCIÉTÉ


pas ». L’absence, à ses yeux, n’a pas d’excuse, même quand elle a pour cause une conversion, et pour motif la pénitence ; on lui a préféré Dieu, c’est une désertion. Les ministres écrivent aux intendants pour savoir si les gentilshommes de leur province « aiment à rester chez eux » et s’ils « refusent de venir rendre leurs devoirs au roi ». Songez à la grandeur d’un pareil attrait : gouvernements, commandements, évêchés, bénéfices, charges de cour, survivances, pensions, crédit, faveurs de toute espèce et de tout degré pour soi et pour les siens, tout ce qu’un État de vingt-cinq millions d’hommes peut offrir de désirable à l’ambition, à la vanité et à l’intérêt se trouve rassemblé là comme en un réservoir. On y accourt, et l’on y puise. — D’autant plus que l’endroit est agréable, disposé à souhait et de parti pris pour convenir aux aptitudes sociables du caractère français. La cour est un grand salon permanent, où « l’accès est libre et facile des sujets au prince », où ils vivent avec lui « dans une société douce et honnête, nonobstant la distance presque infinie du rang et du pouvoir », où le monarque se pique d’être un parfait maître de maison[1]. De fait, il n’y eut jamais de salon si bien tenu, ni si propre à retenir ses hôtes par les plaisirs de toute sorte, par la beauté, la dignité et l’agré-

  1. Œuvres de Louis XIV ; ce sont là ses propres paroles. — Mme Vigée-Lebrun, Souvenirs, I, 71 : « J’ai vu la reine (Marie-Antoinette), faisant dîner Madame, alors âgée de six ans, avec une petite paysanne dont elle prenait soin, vouloir que cette petite fût servie la première, en disant à sa fille : « Vous devez lui faire les honneurs ».