Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/92

Cette page a été validée par deux contributeurs.
64
L’ANCIEN RÉGIME


toire ; Necker[1] estime à deux millions le revenu des terres dont jouissent les deux frères du roi. Les domaines des ducs de Bouillon, d’Aiguillon et de quelques autres occupent des lieues entières, et par l’immensité, par la continuité, rappellent ceux que le duc de Sutherland, le duc de Bedford possèdent aujourd’hui en Angleterre. Rien que par ses bois et par son canal, le duc d’Orléans, avant d’épouser sa femme aussi riche que lui, se fait près d’un million de rente. Telle seigneurie, le Clermontois, appartenant au prince de Condé, renferme quarante mille habitants : c’est l’étendue d’une principauté allemande ; « de plus tous les impôts ou subsides qui ont lieu dans le Clermontois sont perçus au profit de Son Altesse Sérénissime, le roi n’y perçoit absolument aucune chose[2] ». — Naturellement, autorité et richesse vont ensemble, et, plus une terre rapporte, plus son propriétaire ressemble à un souverain. L’archevêque de Cambray, duc de Cambray, comte de Cambrésis, a la suzeraineté de tous les fiefs dans un pays qui compte soixante-quinze mille habitants ; il choisit la moitié des échevins à Cambray et toute l’administration du Cateau ; il nomme à deux grandes abbayes, il préside les États provinciaux et le bureau

  1. Necker, De l’administration des finances, II, 271. — Legrand, l’Intendance du Hainaut, 104, 118, 152, 412.
  2. Même après l’échange de 1784, le prince garde pour lui toutes les impositions personnelles, ainsi que la subvention sur les habitants », sauf une somme de 6 000 livres pour les routes. Archives nationales. G, 192, Mémoires du 14 avril 1784 sur la situation du Clermontois. — Procès-verbaux de l’assemblée provinciale des Trois-Évêchés (1787), 380.