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LA STRUCTURE DE LA SOCIÉTÉ


Cateau-Cambrésis[1] dressent une supplique pour garder « les dignes abbés et religieux de l’abbaye de Saint-André, leurs pères communs et bienfaiteurs, qui les ont nourris pendant la grêle ». Les habitants de Saint-Savin, dans les Pyrénées, « peignent avec des larmes de douleur leur consternation » à l’idée qu’on va supprimer leur abbaye de Bénédictins, seule fondation de charité dans ce pays pauvre. À Sierk, près de Thionville, « la Chartreuse, disent les notables, est à tous égards pour nous l’arche du Seigneur ; c’est la principale ressource de plus de douze à quinze cents personnes qui viennent tous les jours de la semaine. Cette année les moines leur ont distribué leur propre provision de grain à 16 livres au-dessous du cours ». Les chanoines réguliers de Domièvre en Lorraine nourrissent soixante pauvres deux fois par semaine ; il faut les conserver, dit la supplique, « par pitié et compassion pour le pauvre peuple dont la misère est au-dessus de l’imagination ; où il n’y a pas de couvents réguliers et de chanoines de leur dépendance, les pauvres crient misère[2] ». À Moutiers-Saint-Jean, près de Semur en Bourgogne, les Bénédictins de Saint-Maur

  1. Archives nationales, D, XIX, cartons 14, 15, 25. Cinq dossiers sont remplis de ces pétitions.
  2. Ibid., D, XIX, carton 11. Très belle lettre de Joseph de Saintignon, abbé de Domèvre, général des chanoines réguliers de Saint-Sauveur et résident. Il a 23 000 livres de rente, dont 6 066 livres de pension donnée par le gouvernement en récompense de ses services. Sa dépense personnelle n’étant que de 5 000 livres, « il a été en état de verser entre les pauvres et les ouvriers, dans l’espace de onze ans, plus de 250 000 livres ».