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L’ANCIEN RÉGIME


résidence et son fumier que nous ne lui valons aujourd’hui par notre goût, nos recherches, nos coliques et nos vapeurs… On sait à quel point était l’habitude, et, pour ainsi dire, la manie des présents continuels que les habitants faisaient à leurs seigneurs. J’ai vu de mon temps cette habitude cesser partout et à bon droit… Les seigneurs ne leur sont plus bons à rien ; il est tout simple qu’ils en soient oubliés comme ils les oublient… Personne ne connaissant plus le seigneur dans ses terres, tout le monde le pille, et c’est bien fait[1]. » Partout, sauf en des coins écartés, l’affection, l’union des deux classes disparu ; le berger s’est séparé du troupeau, et les pasteurs du peuple ont fini par être considérés comme ses parasites.

Suivons-les d’abord en province. On n’y voit que la petite noblesse et une partie de la moyenne ; le reste est à Paris[2]. Même partage dans l’Église : les abbés commendataires, les évêques et archevêques ne résident guère ; les grands vicaires et chanoines sont dans les grandes villes ; il n’y a que les prieurs et les curés dans les campagnes ; à l’ordinaire, tout l’état-major ecclésiastique ou laïque est absent ; les résidents ne sont fournis que par les grades secondaires ou inférieurs. — Comment ceux-ci vivent-ils avec le paysan ? Un point est sûr, c’est que le plus souvent ils ne sont pour lui

  1. Marquis de Mirabeau, Traité de la population, 57.
  2. Tocqueville, ib., 180. Ceci est prouvé par les registres de la capitation, qu’on payait au domicile réel.