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LA STRUCTURE DE LA SOCIÉTÉ


privée et les châtie s’ils sont ivrognes ou paresseux. Adolescents, ils sont pendant plusieurs années domestiques dans son manoir ; cultivateurs, ils lui doivent des corvées, en certains lieux trois par semaine. Mais, de par l’usage et la loi, il doit « veiller à ce qu’ils reçoivent l’éducation, les secourir dans l’indigence, leur procurer, autant que possible, les moyens de vivre ». Il a donc les charges du gouvernement dont il a les profits, et, sous la lourde main qui les courbe, mais qui les soutient, on ne voit pas que les sujets regimbent. — En Angleterre, la haute classe arrive au même effet par d’autres voies. Là aussi la terre paye encore la dîme ecclésiastique, le dixième strict, bien plus qu’en France[1] ; le squire, le nobleman possède une part du sol encore plus large que celle de son voisin français, et, de fait, exerce sur son canton une autorité plus grande. Mais ses tenanciers, locataires et fermiers ne sont plus ses serfs ni même ses vassaux ; ils sont libres. S’il gouverne, c’est par influence, non par commandement. Propriétaire et patron, on a de la déférence pour lui ; lord-lieutenant, officier de la milice, administrateur, justice, il est visiblement utile. Surtout, de père en fils, il réside, il est du canton, en communication héréditaire et incessante avec le public local, par ses affaires et par ses plaisirs, par la chasse et par le bureau des pauvres, par ses fermiers qu’il admet à sa

  1. Arthur Young, Voyages en France, II, 456. En France, dit-il, elle est du onzième au trente-deuxième, « Mais on ne connaît rien de tel que les énormités commises en Angleterre, ou l’on prend réellement le dixième.