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L’ANCIEN RÉGIME


tout entière. Dans le district soumis à sa juridiction, le domaine public demeure son domaine privé ; les chemins, rues et places publiques en font partie ; il a le droit d’y planter des arbres et de revendiquer les arbres qui s’y trouvent. En plusieurs provinces, par le droit de blairie, il fait payer aux habitants la permission de paître leurs bestiaux dans les champs après la récolte, et dans les « terres vaines et vagues ». Les rivières non navigables sont à lui, ainsi que les îlots et atterrissements qui s’y forment et le poisson qui s’y rencontre. Il a droit de chasse dans toute l’étendue de sa juridiction et l’on a vu tel roturier obligé de lui ouvrir son parc enclos de murs.

Encore un trait pour achever de le peindre. Ce chef d’État, propriétaire des hommes et du sol, était jadis un cultivateur résidant sur sa métairie propre au milieu d’autres métairies sujettes, et, à ce titre, il se réservait des avantages d’exploitation dont il a conservé plusieurs. Tel est le droit de banvin, encore très répandu, et qui est le privilège pour lui de vendre son vin, à l’exclusion de tout autre, pendant les trente ou quarante jours qui suivent la récolte. Tel est, en Touraine, le droit de préage, c’est-à-dire la faculté pour lui d’envoyer ses chevaux, vaches et bœufs « paître à garde faite dans les prés de ses sujets ». Tel est enfin le monopole du grand colombier à pied, d’où ses pigeons par milliers vont pâturer en tout temps et sur toutes les terres, sans que personne puisse les tuer ni les prendre. — Par une autre suite de la même qualité, il perçoit des redevances