est serf tantôt par le fait de sa naissance, tantôt par
le fait de la terre. Mortaillables, mainmortables, bordeliers,
d’une façon ou d’une autre, quinze cent mille
personnes, dit-on, ont au col un morceau du collier féodal ;
rien d’étonnant, puisque de l’autre côté du Rhin
presque tous les paysans le portent encore. Maître et
propriétaire autrefois de tout leur bien et de tout leur
travail, le seigneur peut encore exiger d’eux dix à douze
corvées par an et une taille fixe annuelle. Dans la baronnie
de Choiseul, près de Chaumont en Champagne,
les habitants sont tenus de labourer ses terres, de les
semer, de les moissonner pour son compte, d’en amener
le produit dans ses granges ; chaque pièce de
terre, chaque maison, chaque tête de bétail lui paye
une redevance ; les enfants ne succèdent aux parents
qu’à condition de demeurer avec eux ; s’ils sont absents
à l’époque du décès, c’est lui qui hérite ». Voilà ce
qu’en langage du temps on appelait une terre ayant « de
beaux droits ». — Ailleurs le seigneur hérite des collatéraux,
frères ou neveux, s’ils n’étaient pas en communauté
avec le défunt au moment de sa mort, et cette
communauté n’est valable que par sa permission. Dans
le Jura et le Nivernais, il peut poursuivre les serfs qui
se sont enfuis, et réclamer à leur mort, non seulement
le bien qu’ils ont laissé chez lui, mais encore le pécule
qu’ils ont acquis ailleurs. À Saint-Claude, il acquiert ce
droit sur quiconque a passé un an et un jour dans
une maison de la seigneurie. — Quant à la propriété
du sol, on voit plus nettement encore que jadis il l’avait
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LA STRUCTURE DE LA SOCIÉTÉ.