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L’ANCIEN RÉGIME


des monopoles et des octrois qui remontent au temps où il avait le pouvoir public.

Non seulement il avait alors le pouvoir public, mais il possédait le sol et les hommes. Propriétaire des hommes, il l’est encore, du moins à plusieurs égards et en plusieurs provinces. « Dans la Champagne propre, dans le Sénonais, la Marche, le Bourbonnais, le Nivernais, la Bourgogne, la Franche-Comté, il n’y a point ou très peu de terres où il ne reste des marques de l’ancienne servitude… On y trouve encore quantité de serfs personnels ou constitués tels par leurs reconnaissances ou par celles de leurs auteurs[1]. » Là, l’homme

    ture, le droit était en moyenne de 1/16. En plusieurs provinces, Anjou, Berry, Maine, Bretagne, il y avait un moulin banal à draps ou à écorces.

  1. Renauldon, ib., 181, 200, 203 ; notez qu’il écrit en 1765. Louis XVI supprima le servage dans ses domaines en 1778 ; et plusieurs seigneurs, en Franche-Comté notamment, suivirent son exemple.
     Beugnot, Mémoires, I, 142. — Voltaire, Mémoire au roi sur les serfs du Jura. — Mémoires de Bailly, II, 214, d’après le procès-verbal de l’Assemblée nationale du 7 août 1789. Je me suis reporté à ce procès-verbal et au livre de M. Clerget, curé d’Ornans en Franche-Comté, qui s’y trouve mentionné. M. Clerget y dit, en effet, qu’il y a encore en ce moment (1789) 1 500 000 sujets du roi soumis à la servitude, mais il n’apporte aucune preuve à l’appui de ce chiffre. Néanmoins, il est certain que le nombre des serfs et mainmortables est encore très grand. Archives nationales, II, 723, mémoires sur les mainmortables de la Franche-Comté en 1788 ; II, 200, mémoires par M. Amelot sur la Bourgogne en 1785. « Dans la subdélégation de Charolles, les habitants semblent à un siècle du temps actuel ; soumis aux droits féodaux, tels que la mainmorte, leur esprit et leur corps ne peuvent prendre aucun essor. Le rachat de la mainmorte, dont le roi a lui-même donné l’exemple, a été mis à un prix si exorbitant par les laïques, que les malheureux mainmortables ne peuvent ni ne pourront y atteindre. »