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L’ANCIEN RÉGIME


pôt est un dernier lambeau de souveraineté ou tout au moins d’indépendance. Le privilégié évite ou repousse la taxe, non seulement parce qu’elle le dépouille, mais encore parce qu’elle l’amoindrit ; elle est un signe de roture, c’est-à-dire d’ancienne servitude, et il résiste au fisc autant par orgueil que par intérêt.

IV

Suivons-le chez lui dans son domaine. Un évêque, un abbé, un chapitre, une abbesse a le sien, comme un seigneur laïque ; car jadis le monastère et l’Église ont été de petits États, comme le comté et le duché. — Intacte de l’autre côté du Rhin, presque ruinée en France, la bâtisse féodale laisse partout apercevoir le même plan. En certains endroits mieux abrités ou moins assaillis, elle a gardé tous ses anciens dehors. À Cahors, l’évêque-comte de la ville a le droit, quand il officie solennellement, « de faire mettre sur l’autel le casque, la cuirasse, les gantelets et l’épée[1] ». À Besançon, l’archevêque-prince a six grands officiers qui doivent lui faire hommage de leurs fiefs, assister à son intronisation et à ses obsèques. À Mende[2], l’évêque, seigneur suzerain du Gévaudan depuis le onzième siècle, choisit les conseils, les juges ordinaires et d’appel, les commissaires et syndics du pays », dispose de toutes les

  1. Voir, pour tous ces détails, la France ecclésiastique de 1788.
  2. Procès-verbaux et cahiers manuscrits des États généraux de 1789. Archives nationales, t. LXXXVIII, 23, 85, 121, 122, 152. Procès-verbal du 12 janvier 1789.