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L’ANCIEN RÉGIME


mémoriale, le souvenir du droit antique retiennent encore la main du fisc. Plus le propriétaire ressemble à l’ancien souverain indépendant, plus son immunité est large. — Tantôt il est couvert par un traité récent, par sa qualité d’étranger, par son origine presque royale. « En Alsace, les princes possessionnés étrangers, les ordres de Malte et Teutonique jouissent de l’exemption de toute contribution personnelle et réelle. » — « En Lorraine, le chapitre de Remiremont a le privilège de se cotiser lui-même dans toutes les impositions de l’État[1]. » Tantôt il a été protégé par le maintien des États provinciaux et par l’incorporation de la noblesse à la terre : en Languedoc et en Bretagne, les biens roturiers payent seuls la taille. — Partout d’ailleurs, sa qualité l’en a préservé, lui, son château et les dépendances de son château ; la taille ne l’atteint que dans ses fermiers. Bien mieux, il suffit qu’il exploite lui-même ou par un régisseur, pour que son indépendance originelle se communique à sa terre ; dès qu’il touche le sol, par lui-même ou par son commis, il en abrite quatre charrues, trois cents arpents, qui, dans les mains d’un autre, payeraient deux mille francs d’impôt, et en outre « les bois, les prairies, les vignes, les étangs, les terres encloses qui tiennent au château, de

    eux-mêmes qu’ils sont dans l’heureuse impuissance de porter atteinte à la propriété. »

  1. Léonce de Lavergne, les Assemblées provinciales, 296. Rapport de M. Schwendt sur l’Alsace en 1787.
     Waroquier, État de la France en 1789, I, 541.
     Necker, De l’administration des finances, I, 19, 102.
     Turgot (collection des économistes), Réponse aux observations du garde des sceaux sur la suppression des corvées, I, 559.