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LA STRUCTURE DE LA SOCIÉTÉ.


tisans. Depuis le concordat, il nomme les dignitaires de l’Église. Les États généraux n’ont pas été convoqués depuis cent soixante-quinze ans ; les États provinciaux qui subsistent ne font que répartir les impôts ; les Parlements sont exilés quand ils hasardent des remontrances. Par son Conseil, ses intendants, ses subdélégués, il intervient dans la moindre affaire locale. Il a quatre cent soixante-dix-sept millions de revenu[1]. Il distribue la moitié de celui du clergé. Enfin il est maître absolu et le déclare[2]. — Ainsi des biens, des exemptions d’impôt, des agréments d’amour-propre, quelques restes de juridiction ou d’autorité locale, voilà ce qui reste à ses anciens rivaux ; en échange, ils ont ses préférences et ses grâces. — Telle est en abrégé l’histoire des privilégiés, clergé, noblesse et roi ; il faut se la rappeler pour comprendre leur situation au moment de leur chute ; ayant fait la France, ils en jouissent. Voyons de près ce qu’ils sont devenus à la fin du dix-huitième siècle, quelle portion ils ont gardée de leurs avantages, quels services ils rendent encore et quels services ils ne rendent pas.

  1. Mémoires d’Augeard, secrétaire des commandements de la reine et ancien fermier général.
  2. Réponse de Louis XV au Parlement de Paris, le 3 mars 1766, dans un lit de justice : « C’est en ma personne seule que réside l’autorité souveraine… C’est à moi seul qu’appartient le pouvoir législatif sans dépendance et sans partage. L’ordre public tout entier émane de moi ; j’en suis le gardien suprême. Mon peuple n’est qu’un avec moi ; les droits et les intérêts de la nation, dont on ose faire un corps séparé du monarque, sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu’entre mes mains ».