Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
LA STRUCTURE DE LA SOCIÉTÉ.


et des sciences païennes, l’architecture, la sculpture, la peinture, les arts et les industries qui servent au culte, les industries plus précieuses qui donnent à l’homme le pain, le vêtement et l’habitation, surtout la meilleure de toutes les acquisitions humaines et la plus contraire à l’humeur vagabonde du barbare pillard et paresseux, je veux dire l’habitude et le goût du travail. Dans les campagnes dépeuplées par le fisc romain, par la révolte des Bagaudes, par l’invasion des Germains, par les courses des brigands, le moine bénédictin bâtit sa cabane de branchages parmi les épines et les ronces[1] ; autour de lui de grands espaces jadis cultivés ne sont plus que des halliers déserts. Avec ses compagnons, il défriche et construit ; il domestique les animaux demi-sauvages, établit une ferme, un moulin, une forge, un four, des ateliers de chaussure et d’habillement. Selon sa règle, chaque jour il lit pendant deux heures ; sept heures durant, il travaille de ses mains, et il ne mange, il ne boit que le strict nécessaire. Par son travail intelligent, volontaire, exécuté en conscience et conduit en vue de l’avenir, il produit plus que le laïque. Par son régime sobre, concerté, économique, il consomme moins que le laïque. C’est pourquoi là où le laïque avait défailli[2], il se soutient et même il prospère. Il recueille les misérables, les nourrit, les occupe, les marie ; mendiants, vagabonds, paysans fugitifs affluent autour du

  1. Montalembert, ib., t. II, liv. 8, et surtout Alfred Maury, les Forêts de la France dans l’antiquité et au moyen âge. Spinæ et vepres, ce mot revient sans cesse dans les Vies des saints.
  2. De même aujourd’hui les colonies des Trappistes en Algérie.