Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/307

Cette page a été validée par deux contributeurs.
275
L’ESPRIT ET LA DOCTRINE


veut comprendre son être, de considérer, en même temps que lui-même, les autres vivants ses voisins, échelonnés jusqu’à lui et issus du même tronc. S’il est hors ligne, il n’est pas hors cadre, il est un animal parmi les animaux[1] ; en lui et chez eux, la substance, l’organisation, la naissance, la formation, le renouvellement, les fonctions, les sens, les appétits, sont semblables, et son intelligence supérieure, comme leur intelligence rudimentaire, a pour organe indispensable une matière nerveuse dont la structure est la même chez eux et chez lui. — Ainsi enveloppé, produit, porté par la nature, peut-on supposer qu’il soit dans la nature comme un empire dans un empire ? Il y est comme une partie dans un tout, à titre de corps physique, à titre de composé chimique, à titre de vivant, à titre d’animal sociable, parmi d’autres corps, d’autres composés, d’autres animaux sociables, tous analogues à lui, et, à tous ces titres, il est comme eux soumis à des lois. — Car, si nous ignorons le principe de la nature et si nous nous disputons pour savoir ce qu’il est, intérieur ou extérieur, nous constatons avec certitude la manière dont il agit, et il n’agit que selon des lois générales et fixes. Tout événement, quel qu’il soit, a des conditions, et, ces conditions données, il ne manque jamais de suivre. Des deux anneaux qui forment le couple, le premier entraîne toujours après soi le second. Il y a de ces

  1. Buffon, ib., I, 12 : « La première vérité qui sort de cet examen sérieux de la nature est une vérité peut-être humiliante pour l’homme, c’est qu’il doit se ranger lui-même dans la classe des animaux. »