Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/306

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
274
L’ANCIEN RÉGIME


éclosion a été tardive ! Quelles myriades de siècles entre le premier refroidissement et les commencements de la vie[1] ! Qu’est-ce que le tracas de notre fourmilière à côté de cette tragédie minérale à laquelle nous n’avons pas assisté, combats de l’eau et du feu, épaississement de la croûte, formation de l’océan universel, construction et séparation des continents ? Avant notre histoire, quelle longue histoire animale et végétale, quelle succession de flores et de faunes, que de générations d’animaux marins pour former les terrains de sédiment, que de générations de plantes pour former les dépôts de houille, quels changements de climat pour chasser du pôle les grands pachydermes ! — Enfin voici l’homme, le dernier venu, éclos comme un bourgeon terminal à la cime d’un grand arbre antique, pour y végéter pendant quelques saisons, mais destiné comme l’arbre à périr après quelques saisons, lorsque le refroidissement croissant et prévu qui a permis à l’arbre de vivre forcera l’arbre à mourir. Il n’est pas seul sur la tige : au-dessous de lui, autour de lui, presque à son niveau, sont d’autres bourgeons nés de la même sève ; qu’il n’oublie jamais, s’il

    t-elle si les souris qui sont dans le vaisseau sont à leur aise ou non ? »

  1. Buffon, ib., supplément, II, 513 ; Époques de la nature, IV, 65, 167. D’après ses expériences sur le refroidissement d’un boulet, il établit les périodes suivantes. Depuis la fluidité ardente de la planète jusqu’à la chute des eaux vaporisées, trente-cinq mille ans. Depuis le commencement de la vie jusqu’à l’état actuel quarante mille ans. Depuis l’état actuel jusqu’à la congélation totale et l’extinction de la vie, quatre-vingt-treize mille ans. Au reste, il ne donne ces chiffres que comme des minima. On sait aujourd’hui qu’ils sont beaucoup trop faibles.