Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/302

Cette page a été validée par deux contributeurs.
270
L’ANCIEN RÉGIME


fices savants que nous appelons des animaux et des plantes ; à l’origine, les formes les plus simples, puis l’organisation compliquée et perfectionnée lentement et par degrés ; l’organe créé par les habitudes, par le besoin, par le milieu ; l’hérédité transmettant les modifications acquises[1] : voilà d’avance, à l’état de conjectures et d’approches, la théorie cellulaire de nos derniers physiologistes[2] et les conclusions de Darwin. Dans le tableau que l’esprit humain fait de la nature, la science du dix-huitième siècle a dessiné le contour général, l’ordre des plans et les principales masses en traits si justes, qu’aujourd’hui encore toutes les grandes lignes demeurent intactes. Sauf des corrections partielles, nous n’avons rien à effacer.

C’est cette vaste provision de vérités certaines ou probables, démontrées ou pressenties, qui a donné à l’esprit du siècle l’aliment, la substance et le ressort. Considérez les chefs de l’opinion publique, les promoteurs de la philosophie nouvelle : à divers degrés, ils sont tous versés dans les sciences physiques et naturelles. Non seulement ils connaissent les théories et les livres, mais encore ils touchent les choses et les faits. Non seulement Voltaire expose, l’un des premiers, l’optique

  1. Voir une leçon de M. de La Caze-Duthiers sur Lamarck, Revue scientifique, III, 276-311.
  2. Buffon, Histoire naturelle, II, 340 : « Tous les êtres vivants contiennent une grande quantité de molécules vivantes et actives. La vie du végétal ou de l’animal ne paraît être que le résultat des actions de toutes les petites vies particulières de chacune des molécules actives dont la vie est primitive. » — Cf. Diderot, Rêve de d’Alembert.