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L’ANCIEN RÉGIME


la Jean-Jacques Rousseau « analogues aux principes de cet auteur ». On choisit pour coiffure « des poufs au sentiment », dans lesquels on place le portrait de sa fille, de sa mère, de son serin, de son chien, tout cela garni des cheveux de son père ou d’un ami de cœur ». On a des amies de cœur pour qui « on éprouve quelque chose de si vif et de si tendre que véritablement c’est de la passion », et qu’on ne peut se passer de voir trois fois par jour. « Toutes les fois que des amies se disent des choses sensibles, elles doivent subitement prendre une petite voix claire et traînante, se regarder tendrement en penchant la tête, et s’embrasser souvent », sauf à bâiller tout bas au bout d’un quart d’heure et à s’endormir de concert parce qu’elles n’ont plus rien à se dire. L’enthousiasme est d’obligation. À la reprise du Père de famille, l’on compte autant de mouchoirs que de spectateurs, et des femmes s’évanouissent. « Il est d’usage, surtout pour les jeunes femmes, de s’émouvoir, de pâlir, de s’attendrir, et même en général de se trouver mal en apercevant M. de Voltaire ; on se précipite dans ses bras, on balbutie, on pleure, on est dans un trouble qui ressemble à l’amour le plus passionné[1]. » — Quand un

    perroquet becquetant une cerise, à gauche un petit nègre, les deux bêtes d’affection de la duchesse : le tout est entremêlé de mèches de cheveux de tous les parents de Mme de Chartres, cheveux de son mari, cheveux de son père, cheveux de son beau-père. »

  1. Mme de Genlis, les Dangers du monde, I, scène vii ; II, scène iv ; — Adèle et Théodore, I, 312 ; — Souvenirs de Félicie, 199. — Bachaumont, IV, 320.