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L’ANCIEN RÉGIME


théâtre ; dans l’un et dans l’autre, on est en spectacle, on compose son altitude et son ton de voix, on joue un rôle ; la scène et le salon sont de plain-pied. — Vers la fin du siècle, tout le monde devient acteur ; c’est que tout le monde l’était déjà[1]. « On n’entend parler que de petits théâtres montés dans la campagne autour de Paris. » Depuis longtemps, les plus grands donnaient l’exemple. Sous le roi Louis XV, les ducs d’Orléans, de Nivernais, d’Ayen, de Coigny, les marquis de Courtenvaux et d’Entraigues, le comte de Maillebois, la duchesse de Brancas, la comtesse d’Estrades forment avec Mme de Pompadour la troupe « des petits cabinets » ; le duc de la Vallière en est le directeur : quand la pièce renferme un ballet, le marquis de Courtenvaux, le duc de Beuvron, les comtes de Melfort et de Langeron sont les danseurs en titre[2]. « Ceux qui sont dans l’usage de ces spectacles, écrit le sage et pieux duc de Luynes, conviennent qu’il serait difficile que des comédiens de profession jouassent mieux et avec plus d’intelligence. » — À la fin l’entraînement gagne encore plus haut et jusqu’à la famille royale. À Trianon, d’abord devant quarante personnes, puis devant un public fort étendu, la reine joue Colette dans le Devin de village, Gotte dans la Gageure imprévue, Rosine dans le Barbier de Séville, Pierrette dans le Chasseur et la Laitière[3] ; et les autres comédiens sont les prin-

  1. Correspondance, par Métra, II, 245 (18 novembre 1775).
  2. Julien, Histoire du théâtre de Mme de Pompadour. Ces représentations durent sept ans et coûtent, pendant le seul hiver de 17 49, 300 000 livres. — Duc de Luynes, X, 45. — Mme du Hausset, 230.
  3. Mme Campan, I, 130. Cf. avec précaution les Mémoires très