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L’ANCIEN RÉGIME


700 lits, 180 chevaux, 14 maîtres d’hôtel, 25 valets de chambre. « Toute la province s’y rassemble » ; le cardinal a logé à la fois jusqu’à deux cents invités, sans les valets ; en tout temps on trouve chez lui « de vingt à trente femmes des plus aimables de la province, et souvent ce nombre est augmenté par celles de la cour et de Paris ». — « Le soir à neuf heures tout le monde soupait ensemble, ce qui avait toujours l’air d’une fête », et le cardinal lui-même en était le plus bel ornement. Superbement vêtu, beau, galant, d’une politesse exquise, le moindre de ses sourires était une grâce. « Son visage toujours riant inspirait la confiance ; il avait la vraie physionomie de l’homme destiné à représenter. »

Telle est aussi l’attitude et l’occupation des principaux seigneurs laïques, chez eux, en été, lorsque le goût de la chasse et l’attrait de la belle saison les ramènent sur leurs terres. Par exemple, Harcourt en Normandie et Brienne en Champagne sont deux des châteaux les mieux habités. « Il y vient de Paris des personnes considérables, des hommes de lettres distingués, et la noblesse du canton y fait une cour assidue[1]. » Il n’y a pas de résidence où des volées de beau monde ne viennent s’abattre à demeure pour dîner, danser, chasser, causer, parfiler, jouer la comédie. On peut suivre à la trace ces brillants oiseaux, de volière en volière ; ils restent une semaine, un mois, trois mois, étalant leur ramage et leur plumage. De Paris à l’Isle-Adam, à Villers-Cotterets,

  1. Beugnot, I, 71. — Hippeau, le Gouvernement de Normandie, passim.